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L'ECOEUREMENT littérature bd politique cinéma art
31 janvier 2007

Point Blank

« Je voudrais que ma toile sente le poireau. Je tiens à la ressemblance plus profonde, plus réelle que le réel, atteignant le surréel. C’est ainsi que je concevais le surréalisme, mais le mot a été employé tout autrement. »

Pablo Picasso.


Puissance du noir (et blanc) : le film est en couleur : jaune. A l’instar de la courte robe d’Angie Dickinson, unique personnage encore désirant ici.


Tirons alors une interprétation par les cheveux. Dans Point Blank, ceux de Lee Marvin sont blancs. Walker, son personnage, fait fonction d’écran sur lequel sont littéralement projetés les fantasmes d’un monde qui ne se reconnaît plus. Il est l’homme qui marche, ignorant qu’il n’y a plus de destination, costume et regard sombres, portrait en pieds (dont les pas sonores hantent littéralement le film), et en zombie, d’une Amérique qui se regarde dans le blanc de l’œil, médusée, à travers vitres, voiles et écrans. En retour c’est au-travers de ces linceuls que Walker – assassiné à Alcatraz au tout début du film – perçoit le monde sans n’en rien n’en pouvoir saisir. A commencer par ses 75000 dollars. « I really want my money back ! » – clame-t-il ainsi tout au long de son périple, comme le leitmotiv d’un autre temps, alors même que plus personne ne semble le croire.

Car comment croire le dernier homme – revenant, donc déjà mort – qui pense encore pouvoir trouver et ferrailler avec un interlocuteur réel au sein de l’ « Organisation » qu’est devenu le monde ?


Tout spécialement conçu pour le film de John Boorman, l’objectif de 40 mm (grand angle), sur lequel repose en grande partie l’esthétique du film, permet de saisir de larges plans d’ensemble sans que l’image ne subisse aucune distorsion : de là provient la vertigineuse impression de froideur, de dureté et de vide qui se dégage des immenses architectures – comme autant de cadres sinistres – d’une ville morte, immobile – Los Angeles – d’où même l’argent « matériel » a disparu au profit sans cesse grandissant d’une morne vision comptable.

One + one.

Leçon de choses hyperréaliste, à l’image du rêve et d’un cinéma s’affirmant comme la recherche d’un monde parallèle qui ne se soustrait à la « réalité » que pour mieux en rendre compte. Car il est bien ici question de rendre des comptes. Ceux que doit le cinéma au « surréel », cette cherche d’équivalence entre la réalité et sa représentation. Ainsi rêvons-nous davantage en noir et blanc qu’en couleurs. La couleur ne doit pas marcher sur les plates bandes de ce monde parallèle que recherche les cinéastes. Dans le meilleur des cas un film ne peut être associer qu’à une seule couleur, là, dans la mémoire, pour espérer accéder en nous à une certaine force évocatrice.


Au bout de tous les comptes et en dépit de sa magnifique héroïne, Point blank, film d’hommes, film noir, est un film blanc.

Monsieur G.

Réalisation : John Boorman & Rafe Newhouse / Montage : Henry Berman / Scénario : Alexander Jacobs & David Newhouse - d'après l'oeuvre de Donald E. Wastlake / Photographie : Philip H. Lathrop / Avec : Lee Marvin (Walker), Angie Dickinson (Chris), Keenan Wynn (Yost), Carroll O' Connor (Brewster), Lloyd Bochner (Frederick Carter), Michael Strong (Big John Stegman), John Vernon (Mal Reese), Sharon Acker (Lynne Walker), Sandra Warner (la serveuse), Roberta Haynes (Mrs Carter), Victore Creatore (un sbire de Carter), Lawrence Hauben (un vendeur de voitures), Priscilla Boyd (la réceptionniste), Nicole Rogell (la secrétaire de Carter), Ricco Cattani (le garde de Reese) / Genre : Policier / 1968.

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