Pickpocket

Le cinématographe est une technique qui enregistre donc comme nul autre quelque chose de la réalité, du quotidien, de la mécanique de la vie… Mais qu’en faire. Reproduire avec exactitude ne saurait être un but.

Le cinéma possède un langage spécifique – art sublime du collage – établissant avec fulgurance, par exemple, les liens de causes à effets et inversement.

De ces deux qualités ontologiques Robert Bresson tire le meilleur pour – paradoxe – atteindre ce qui ne peut se voir.

Pickpocket confronte la technique du cinématographe à celle du détrousseur. Rien n’est nommé mais au contraire bel et bien montré. Pas un plan de ce film qui ne soit pratiquement anodin. Chacun tirant sa force de l’ensemble. Jamais « métier » n’aura été plus simplement, parfaitement filmé. La mécanique, sa répétition conviennent à merveille au cinéma qui n’en perd rien au terme d’une sublime ascèse où aucun plan ne prend le pas sur un autre tout en s’avérant indispensable.

A terme ? Faire le vide. Les mains du voleur, avides, pleines, se confrontent au vide. Ce vide d’après la vanité et l’orgueil, nécessaire pour faire place. Maintenant le vide : alors seulement les mains tenant le vide pourront toucher l’autre, étreindre l’amour, débarrassées du trivial, elles accéderont à l’invisible, à la chose invisible.

Monsieur G.

Réalisateur : Robert Bresson / Montage : Raymond Lamy / Photographie : Léonce-Henri Burel / Scénario : Robert Bresson / Avec : Martin Lassalle (Michel), Marika Green (Jeanne), Pierre Leymarie (Jacques), Jean Pelegri (l'inspecteur), Kassagi (l'initiateur), Pierre Etaix (un complice) / Genre : Drame, policier / 1959

Sculpture : L'objet invisible ou Mains tenant le vide, Bronze, 153x32x29 cm, 1934, de Alberto Giacometti (1901 - 1966). Visible à la National Gallery of Art, à Washington, aux Etats-Unis.