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L'ECOEUREMENT littérature bd politique cinéma art
24 mai 2007

La liste de Schindler

L_arriv_e_du_trainSteven Spielberg n’a pas obtenu l’autorisation de tourner à l’intérieur d’Auschwitz. Une séquence de La liste de Schindler est pourtant censée s’y dérouler. C’est une scène de cauchemar, une scène qui ne devait pas avoir lieu : une erreur d’aiguillage envoie le convoi des femmes de l’usine d’armement directement au camp de la mort. Une erreur d’aiguillage scénaristique en formes d’imprévu et de dédouanement. La nuit noire, les lumières aveuglantes des projecteurs qui se braquent, les cris, la panique, la stupéfaction, à ce point trop effroyablement évident de l’horreur, devant la cheminée géante – déesse maléfique dévouée à la mort – qui n’en finit jamais de rejeter des cendres à l’origine incompréhensible. Bon. Et puis une scène rocambolesque : les femmes, donc, à présent rasées, nues, poussées comme à l’abattoir dans une salle de douches, entassées, hurlantes, terrifiées. Caméra portée, traque des visages exsangues… Un temps. Et à Auschwitz, lieu de l’absence absolue du moindre suspens, l’eau coule à flots ! Et c’est le rire nerveux, une libération en lui-même… Alors Schindler arrive dans le temple maudit, fait ployer la machine de mort, libère les opprimées. Bien. Et le cauchemar se termine. Et le train sort d’Auschwitz. L’anecdote est peut-être authentique, je l’ignore. La séquence, elle, est aberrante. Ne représente en rien ce que pouvait être Auschwitz. Or, faute d’autorisation, Spielberg a tourné à l’extérieur du camp. Ce que la fiction nous donne pour l’intérieur est en réalité l’extérieur de l’ignoble bâtiment. Ainsi, et en réalité, lorsque nous voyons le train quitter Auschwitz dans l’espace suggéré par la fiction, il y entre, y retourne, n’échappe pas à l’histoire dans l’espace du tournage, extra-diégétique, réel. Ceci n’est pas vraiment un énième procès fait à un film par ailleurs habile et probablement sincère, ceci n’est qu’un simple constat à propos de la distance entre le rêve et la réalité, une distance parfois trop importante, nécessaire pour espérer honnêtement la combler. Ainsi, et nous ne devrions pas faire autrement que d’en prendre acte, la vie n’est pas toujours belle.

Monsieur G.

Réalisation : Steven Spielberg / Montage : Michael Kahn / Photographie : Janusz Kaminski / Scénario : Steven Zaillian / Avec : Liam Neeson (Oskar Schindler), Ben Kingsley (Itzhak Stern), Ralph Fiennes (Amon Goeth), Caroline Goodall (Emilie Schindler), Jonathan Sagalle (Poldek Pfefferberg), Embeth Davidtz (Helen Hirsch), Malgoscha Gebel (Victoria Klonowska), Mark Ivanir (Marcel Goldberg), Beatrice Makola (Ingrid), Andrzei Seweryn (Julian Scherner), Norbert Weisser (Albert Hujar), Elina Lowensohn (Diana Reiter) / Musique : John Williams / Genre : Historique, drame, guerre / 1994

Photographie : L'arivée du train en gare de la Ciotat (1895), film de Auguste et Louis Lumière (1862 - 1954 & 1864 - 1948)

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